Moins d’un an après la tenue du 5e Congrès des Herboristes à Angers, et quelques semaines avant le 6e Congrès qui se tiendra les 21 et 22 avril 2018 à Bayonne, retour à Angers, sur deux jours d’échanges et de rencontres riches, au cœur desquels a résonné une question centrale : celle de la reconnaissance du diplôme d’herboriste.
Bienvenue dans l’herboristerie 2.0 !
Des centaines de professionnels et de passionnés réunis pour deux jours :
le 5e Congrès des herboristes a été un temps fort comme c’est le cas depuis 2013 et la tenue du premier Congrès de la sorte…depuis la suppression du diplôme en 1941.
« Pour la première fois, toutes les formations étaient réunies, mais également les producteurs locaux. Une réussite ! », s’enthousiasme Ferny Crouvisier, présidente de l’Association pour le Renouveau de l’Herboristerie (ARH), organisatrice de ce 5e Congrès, en lien avec la la Fédération Française des Ecoles d’Herboristerie (FFEH). « Ce 5e Congrès des herboristes a projeté un public « fervent » vers l’avenir », poursuit-elle. « La réussite de ces deux journées est due à un équilibre harmonieux entre savoirs anciens et modernes et témoignages de vie autour des plantes ».
Cliquez pour regarder la vidéo de la conférence « La législation actuelle et en devenir.”
le succés des sorties botaniques
Illustrations parfaites de cet équilibre, les sorties botaniques menées sur le temps du samedi midi dans le Jardin des plantes jouxtant le Centre des Congrès. Un lieu « idéal »pour la botaniste Solange Julien, en charge de la sortie consacrée à l’évolution des végétaux à travers les âges, des algues d’eau douce aux plantes à fleurs en passant par les conifères et les gingko biloba. « Je suis paysagiste de formation et j’ai trouvé le lieu intéressant avec ses dénivelés, ses percées, ses coups d’oeil ». Nadine Guellier, qui a mené la sortie sur le thème de la gemmothérapie (la macération de bourgeons d’arbres dans trois solvants) a, elle aussi, trouvé le « cadre magnifique ». « Je me suis éclatée ! », s’enthousiasme-t-elle. « Le groupe a doublé de volume pendant la promenade. Les gens, de tous les niveaux, étaient très intéressés. J’aime beaucoup ce genre d’échanges : apprendre aux autres et apprendre des autres ».
Au total, les deux sorties botaniques ont attiré environ 80 curieux.
le marché de plantes aromatiques et médicinales
Il y avait foule également le dimanche matin à l’entrée du Congrès pour le marché de plantes aromatiques et médicinales, qui a réuni quatre producteurs. Les congressistes ont pu glisser dans leur panier les tisanes de Noémie Léauté, les produits boulangers de Bruno Delaunay et les plantes médicinales de Denis Delaunay et de Jérôme Allain. Pour ce dernier, basé en Anjou (son site web), « Le marché s’est très bien déroulé : c’était même presque un peu la cohue tellement il y avait de personnes ! ». Pour Jérôme Allain, « c’est très important que l’on se retrouve afin de partager les mêmes convictions et les mêmes envies. C’est un Congrès à poursuivre ! ».
Dans l’espace dédié aux formations, où les cinq écoles proposant des cursus liés à l’herboristerie étaient représentées, (l’ARH, l’École des Plantes de Paris, EBH-Cap Santé, l’École Française des Plantes Médicinales et IMDERPLAM), les conversations ont, elles aussi, été riches, comme en témoigne Jean-François Malgorn, président de l’école d’herboristerie bretonne EBH-Cap Santé : « C’est intéressant de se retrouver durant deux jours avec les autres écoles : il faut continuer ». Yves Gourvennec de l’École des Plantes de Paris, renchérit :
« Cela permet de tisser des relations entre différents acteurs de l’herboristerie. Ce genre d’espace nous offre la possibilité de mettre à jour nos informations et nos contacts avec des personnes dont on est heureux qu’ils connaissent notre établissement. Nous avons rencontré des gens intéressés par la formation : notre objectif est atteint ».
des conférences très riches
Ce sont au total plus de quinze conférences qui ont été données pendant ces deux jours au Centre des Congrès d’Angers. Parmi les souvenirs marquants reviennent la projection du documentaire « Anaïs s’en va-t-en guerre », de Marion Gervais, en présence de la pétillante et chaleureuse protagoniste Anaïs Kerhoas, ou encore l’échange avec Tiffany Errien, éleveuse de chèvres et Olivia Tavares, du Civam du Haut-Bocage, autour du projet Patu’sage de gestion du parasitisme en milieu caprin grâce aux plantes.
Claire Laurant, ethnobotaniste venue donner une conférence consacrée aux plantes dans les civilisations anciennes, est une habituée des Congrès des herboristes. « L’initiative est excellente et il y a beaucoup de chemin parcouru depuis les premiers Congrès. J’ai trouvé les acteurs plus fédérés qu’avant même si les intérêts sont divergents selon leur casquette. On sent une volonté d’agir dans une même direction ».
Un sentiment partagé par Ida Bost, qui a animé une conférence remarquée sur l’histoire de l’herboristerie.
« Dans le milieu de l’herboriste actuellement, la grande diversité des acteurs pourrait mener à l’éclatement. Or, ces Congrès sont symboles de l’union des acteurs et de leur volonté de trouver une voie commune, une direction ». L’ethnologue a beaucoup apprécié ce moment : « Beaucoup de gens sont venus me voir. Ce genre de Congrès est un lieu d’échanges formidable pour le public de manière générale car cela permet de montrer tous les aspects de l’herboristerie, de la culture de la plante à sa vente en passant par la question juridique ».
une cueillette raisonnée…
Pour la première fois dans un Congrès des herboristes, la question de la récolte en milieu naturel ont été au menu d’un Congrès d’herboristes. « Pour nous, cela semblait important de porter ce message : il est important que les herboristes commencent à se préoccuper de cela », acquiesce Jocelyne Cambecèdes, du Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées qui intervenait justement sur la question des ressources, de la protection des espèces et des conservatoires. « C’était primordial d’aborder ce sujet », abonde Eric Vallé, conservateur de la réserve naturelle de la vallée de Chaudefour en Auvergne et formateur à l’ARH. « Dans le cadre du développement durable, il faut adopter une cueillette raisonnée ».
La question des OGM a elle aussi fait son entrée dans le programme du Congrès. « En parler maintenant est essentiel », considère la présidente d’Inf’OGM, Bénédicte Bonzi,qui a tenu cette conférence. « Il existe aujourd’hui des OGM cachés, disséminés, qui ne sont pas sans incidence par rapport à ceux qui ramassent les plantes ». Elle a été convaincue par le Congrès : « Ce qui était frappant, c’est que les anti-OGM et les herboristes sont face au même système : c’est la même chose que nous combattons ».
« Nous sommes intouchables ! »
Une question centrale a animé ce 5e Congrès : celle de la reconnaissance du métier d’herboriste.
Une reconnaissance pour laquelle les professionnels bataillent depuis 1941, date à laquelle le Maréchal Pétain a supprimé le certificat d’herboristerie. En pleine campagne électorale, ce temps fort angevin a donc revêtu un aspect plus politique qu’à l’accoutumée. « Il faut faire reconnaître nos écoles », insiste Patrice de Bonneval, fondateur et président de l’École Lyonnaise des Plantes Médicinales et président de la FFEH.
« Nous n’avons que des enseignants couronnés de diplômes : nous sommes intouchables. Et l’avenir c’est d’avoir des herboristes qui sont eux-aussi intouchables ».
Pour Ferny Crouvisier : « La reconnaissance de ces forces ne pourra pas être ignorée et enfouie plus longtemps. Il suffit de trouver les bonnes personnes pour apporter cet élan dans la création d’un diplôme d’Herboriste ».
En février 2017, la FFEH avait donc envoyé une lettre aux 348 sénateurs et aux 577 députés, afin de leur demander de reconnaître le diplôme d’herboriste. Seul six parlementaires ont répondu. Parmi eux, Daniel Laurent, sénateur Les Républicains et maire de Pons en Charente-Maritime. Cette cité médiévale abrite sur son territoire L’Hôpital des Pèlerins, un ancien hospice classé à l’Unesco où les malades s’arrêtaient sur le chemin de Compostelle et qui jouxte un jardin de plantes médicinales. « Nous avons la volonté de produire des plantes médicinales qui pourrait trouver un débouché localement par la vente de ces produits in situ ».
Problème : hormis les 148 plantes qui peuvent être vendues librement depuis 2008, les autres sont réservées à la vente en pharmacie. Après une première intervention de Daniel Laurent en septembre 2016 auprès de Marisol Touraine, la Ministre de la Santé d’alors avait confirmé le statu quo :
« Il n’est pas prévu de rétablir le diplôme d’herboriste ». « C’est dommage car aujourd’hui la société, les pratiques évoluent », estime le sénateur qui envisage de relancer cette demande reconnaissance au nouveau ministre de la Santé…
Depuis l’Auvergne, Eric Vallé appelle également à ce que « chacun prenne son bâton de pèlerin pour aller voir ses parlementaires locaux ». Mais pour Maître Flavien Meunier, avocat qui est intervenu pendant le Congrès lors d’une conférence sur la législation actuelle et à venir, la période des législatives est plutôt un frein. « Il vaut mieux attendre la rentrée prochaine, que l’Assemblée nationale soit constituée avant de recommencer un travail de persuasion. L’idée sera ensuite de créer un statut le plus complet possible qui concerne la plante de sa production à sa vente au consommateur ».
En attendant que les écoles voient leurs diplômes « labellisés », Patrice de Bonneval se projette dans l’avenir. « La reconnaissance immédiate de nos écoles c’est une étape et il faut aller beaucoup plus loin. Il faut créer un nouveau métier : le nouvel herboriste, un herboriste polyvalent autour de la plante. Il faut redonner aux herboristes leurs lettres de noblesse si l’on veut créer un métier viable ».
La suite au prochain Congrès…
Un article écrit par Tiphaine Crézé pour l’ARH.
Merci à Lise Drevillon (élève de l’ARH) pour les photos de ces deux journées.
Merci également aux conférenciers :
Denis Bellenot, ITEIPMAI
Christine Cieur, Docteur en pharmacie
Paul Goetz, médecin phytothérapeute
Lionel Hignard, auteur
Jean Maison, Le Comptoir d’Herboristerie
aux syndicats :
Thierry Thévenin, syndicat S.I.M.P.L.E.S
Michel Pierre, Synaplante
à l’Association Française des Professionnels de la cueillette de plantes sauvages,
aux producteurs,
à Sébastien Bonduau, CAB Pays de la Loire,
et à toute l’équipe de l’ARH.
Merci à la Ville d’Angers pour son accueil.