Historique de l’Herboristerie et des Herboristes/6

Les plantes sont utilisées depuis la nuit des temps, et accompagnent les hommes pour se nourrir, teindre leurs vêtements et se soigner. Mais quelle est l’histoire de l’herboristerie ? Le métier d’herboriste a-t-il toujours eu sa place dans la société des hommes ?
Cette série de planches didactiques aborde ces thèmes en suivant une ligne chronologique de 9 panneaux, de la Préhistoire au XXIe siècle.

LES AUTEURS :
Ida Bost, chercheuse en ethnologie de la santé, a soutenu une thèse de doctorat en ethnologie sur les pratiques herboristiques.
Carole Brousse, docteur en anthropologie sociale, auteur d’une thèse sur l’herboristerie paysanne en France.

À partir de 1803, par la loi du 21 Germinal An XI, l’exercice du métier d’herboriste fut assujetti à la réussite à un examen. Après avoir prouvé qu’il les connaissait « exactement », l’herboriste était autorisé à vendre des plantes médicinales indigènes fraîches ou sèches au sein d’une boutique. Jusqu’en 1916, il était théoriquement possible de passer l’examen sans n’avoir jamais été à l’école. Après 1916, un niveau équivalent au certificat d’études primaires est exigé des candidats. De ce fait, le métier d’herboriste attira une population issue des milieux humbles : pour moitié, les postulants sont des enfants d’artisans, de petits commerçants, d’ouvriers et de journaliers. Ouvert aux femmes, le métier se féminisa fortement dans la seconde moitié du XIXe siècle. Nombre d’entre elles cumulaient la pratique de l’herboristerie avec l’activité de sage-femme.
Les herboristes s’installèrent dans les villes, majoritairement dans les quartiers populaires. Ils vendaient des plantes en vrac, mais aussi des objets variés comme des bandages, des canules, de l’eau minérale, de l’épicerie, des instruments d’optique ou d’orthopédie, etc. À Paris, du fait de l’humidité des caves, ils prirent l’habitude d’attacher leurs plantes par bouquets le long d’un fil, qu’ils suspendaient ensuite devant leur porte. Ces guirlandes colorées, comme l’odeur qui les accompagnait, désignaient alors l’herboristerie aux passants. Le métier se développa fortement jusqu’à la fin des années 1870, où les premières propositions de loi visant à supprimer le certificat apparurent.

1 - Louis Roux, «Les français peints par eux-mêmes, Tome II : L’herboriste»1840.
TITRE-herboristes-pharmaciens

L’herboriste Catherine Glaive passa son certificat en 1804. Sa boutique se situait dans un quartier plutôt populaire mais proche du cœur de Paris : celui des Marchés. Vers 1815, elle se maria à un certain Bicquelin, mais continua d’exercer son métier. Cinq ans plus tard, elle fut accusée d’empoisonnement : elle aurait vendu des plantes narcotiques aux époux Schroeder. Un voisin pharmacien, ainsi que plusieurs médecins, témoignèrent contre elle, ajoutant que ses plantes étaient de mauvaise qualité. Son avocat retourna l’argument en sa faveur, expliquant que des plantes de mauvaise qualité ne pouvaient avoir eu un effet narcotique. L’argument sembla porter et Catherine Bicquelin continua d’exercer l’herboristerie. Ses affaires semblaient même plutôt bonnes : à partir de 1839, elle fut à la tête de deux établissements. Elle mourut vraisemblablement vers 1846, après avoir pratiqué l’herboristerie pendant plus de 42 ans.

Le procès de Catherine Bicquelin témoigne des tensions existantes entre les herboristes et les pharmaciens. Mais les relations entre ces deux acteurs n’étaient pas toujours conflictuelles au quotidien. Contrairement à l’herboristerie, la profession de pharmacien resta interdite aux femmes jusqu’à la fin des années 1860, et les premières pharmaciennes furent d’ailleurs socialement mal considérées. Il arrivait donc, notamment, que les femmes de pharmaciens passent le certificat d’herboriste, afin de reprendre la boutique en cas de besoin. C’est le cas de Constance Marie Rébillon dont le mari était devenu trop âgé. Ou encore celui de Marie Adeline Fouache, dont l’époux avait été interné. De tels cas témoignent que le rapport entre les pharmaciens et les herboristes n’était pas simplement réductible à une relation de concurrence, mais pouvait présenter des aspects de complémentarité.

2 - Certificat d’herboriste datant de 1804, conservé à la Bibliothèque Inter-Universitaire de Pharmacie de Paris.

Pour la majorité de la période, l’examen se déroulait dans les Écoles Supérieures de Pharmacie et les Facultés Mixtes de Pharmacie et de Médecine. Les herboristes certifiés ne furent jamais évalués par leurs pairs, mais par des pharmaciens et des médecins. Le déroulement exact de l’examen variait en fonction des écoles. En général, le postulant devait reconnaître et nommer une cinquantaine de plantes fraîches ainsi qu’une cinquantaine de plantes sèches. Ensuite, il devait répondre à des questions variables de botanique. Etrangement, toutes les archives retrouvées jusqu’ici indiquent qu’il n’y avait aucune question portant sur les propriétés thérapeutiques des plantes ou leur mode de transformation. Rappelons que ces examens étaient organisés par des pharmaciens : il n’est pas étonnant que ces derniers aient cherché à cantonner l’herboriste à la seule vente des plantes, sans conseil ni préparation. Dans les faits, cela ne signifie pas que les herboristes n’avaient aucune connaissance thérapeutique. Les témoignages recueillis, comme les publicités, indiquent qu’ils soignaient bel et bien. Mais ce savoir n’avait rien d’académique, contribuant à faire de l’herboriste un « guérisseur » à part dans le champ de la santé.

« Nul ne pourra vendre, à l’avenir, des plantes ou des parties de plantes médicinales indigènes, fraîches ou sèches, ni exercer la profession d’herboriste, sans avoir subi auparavant, dans une des écoles de pharmacie, ou par-devant un jury de médecine, un examen qui prouve qu’il connaît exactement les plantes médicinales, et sans avoir payé une rétribution qui ne pourra excéder cinquante francs à Paris, et trente francs dans les autres départements, pour les frais de cet examen. Il sera délivré aux herboristes un certificat d’examen par l’école ou le jury par lesquels ils seront examinés ; et ce certificat devra être enregistré à la municipalité du lieu où ils s’établiront. »

3 - Fiche d’inscription de la veuve Boucourt à l’École Supérieure de Pharmacie de Paris, pour le certificat d’herboriste (passage de l’examen en 1896/1897).
4 - Réédition par Maxtor en 2011 du manuel d’herboristerie du docteur Reclu, paru originellement en 1889.

« À tous les dix pas, une boutique d’herboriste, enfouie sous pas pavots enguirlandés, les mauves foisonnantes : dix, vingt, cinquante, elles s’échelonnent tout du long, offrant à l’air qui passe leurs fades odeurs. »

(extrait des Chroniques parisiennes, parues dans le Figaro le 4 janvier 1881)
CRÉDITS PHOTOGRAPHIES/IMAGES :
1 – Source gallica.bnf.fr / BnF
3 – Document conservé aux Archives Nationales, dossier AJ-16-2197.
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